Les récits de la naissance de Jésus

La catéchèse de la virginité de Marie

   La découverte de la fonction de censure exercée par l’affirmation de Luc (Lc 4:22) nous oblige à suivre la deuxième des hypothèses auxquelles je viens de faire allusion, à savoir que la catéchèse de la virginité de Marie est née d’une situation de crise et de conflit. Je fixerai les moments de sa genèse dans les points suivants :

a) Dans l’entourage de Jésus, à Nazareth, on savait qu’il était « fils de Marie ». La censure exercée par l’Église nous force à comprendre cette opinion au sens d’une naissance illégitime.
b) Chez Marc, cette croyance ne suscite pas de scandale. Il faut donc croire que la naissance de Jésus ne faisait pas encore objet du Kérygme. Il s’agissait en effet d’une catéchèse de caractère adoptianiste, où le messianisme de Jésus ne se fondait pas sur la physiologie de sa genèse mais sur l’efficacité de la parole de Dieu qui l’avait constitué tel au moment du baptême et par sa résurrection.
c) Elle suscite au contraire le scandale au temps de Matthieu et de Luc. Cela devient compréhensible si on réfléchit à ce que leur évangile comportait une orientation nouvelle, selon laquelle l’Église devenait, par le Christ, héritière des promesses d’Israël. Mais cette thèse n’aurait pas pu devenir crédible si elle n’avait pas démontré que Jésus était né dans le cadre d’une succession légitime, d’où la nécessité des généalogies, qui jouaient moins un rôle historique que théologique. Elles ne se fondaient pas sur des renseignements tirés des archives du temple, mais sur des combinaisons de généalogies bibliques, à partir de la croyance que le Christ devait être fils de David.
d) Ces généalogies avaient suscité la réaction des juifs qui, dépossédés par les chrétiens du fondement de leur existence comme peuple de Dieu, ne pouvaient voir en eux que des faussaires et des usurpateurs. D’une part, ils nièrent avec aisance le bien-fondé de ces généalogies, et d’autre part, en s’appuyant sur l’opinion populaire, ils firent de la naissance naturelle de Jésus la pièce maîtresse de leur accusation contre le messianisme de Jésus.